CR Ultra Trail Grand Raid Ventoux...

Planifié comme l’objectif de l’année en trail, le Grand Raid du Ventoux était un graal que je voulais aller chercher dans une région de cœur pour moi.
Après une première pour cette année avec l’Ultra Volcanique début mars faite dans des conditions loin d’être optimum, cette fois, bien préparé et sans pépins physique ce devait être une grande expérience à vivre. En tous cas j’étais motivé même si je ne savais pas trop ou je mettais les pieds surtout sur cette distance.
Parti vendredi après midi pour récupérer mon dossard, je constate que j’ai oublié de réserver une place pour la navette qui doit nous emmener de Gigondas à Venasque lieu de départ. Par chance un désistement reste disponible et là je me dis que ma petite étoile veille sur moi ! un bon présage…
La navette prévue à 3H30 du mat, je ne ferais pas long feu ce vendredi soir et serais au lit de très bonne heure, en espérant que la pluie qui tombe cesse pour demain.
Autre dilemme, comment s’habiller, sachant que l’organisation nous a annoncé des températures douces au départ, chaude en journée mais glaciales au Ventoux avec un possible -6°au sommet et beaucoup de vent…Ils nous oblige a emmener un équipement spécifique dans le sac : vêtement de pluie étanche, pantalon de pluie, collant, un haut chaud (polaire ou autre vêtement technique), bonnet, gants, trousse de secours, couverture de survie, ravitaillement solide et liquide (2l minimum),…
Samedi matin, 2H00n le réveil sonne, dernier petits préparatifs de dernière minute, petit déj et me voilà dans le car pour Venasque, micro sieste le temps du trajet…
Arrivé, l’ambiance est palpable, je laisse un sac de rechange et ravito aux organisateurs, qui sera emmené au contrôle de la mi course à Chalet Reynard à mi ascension du Mont Ventoux .
Bipage du dossard avant de rentrer dans le sas, dernières consignes et voilà 467 traileurs (annoncés au micro) lachés dans la nuit, il est 5H du mat.
Par chance pour moi, le départ n’est pas trop rapide et les premiers chemins empruntés ne permettent pas trop de courir vite, ce qui me permet de tenir le rythme en marche sportive. De petits sentiers qui nous dirigent vers les Gorges de la Nesque, endroit sublime de Haute Provence qu’il se doit de connaitre. Les cracks sont partis devant mais derrière le rythme n’est pas trop élevé, faut dire qu’on a quelques heures d’efforts devant nous !
Au km25, 1^er portail horaire, je passe avec 1H29’d’avance, tout va bien.
La température monte et l’on aborde ce site sublime. Endroit que je connais bien, mais j’avoue découvrir cette approche des Gorges. Le chemin grimpe progressivement jusqu’en haut des Gorges avec à côté de nous le Rocher de Cire, la vue est superbe. Je me dis que l’on va descendre sur Monnieux, village du bas des Gorges, avant de commencer l’ascension du Mont Ventoux par le côté sud/sud est.
Mais voilà, ce que l’on croit et la réalité sont parfois bien différents. Pour descendre pas de problème, mais pas sur Monnieux, le sentier plonge au plus profond des Gorges avec parfois des à pics impressionnants qui mettent à mal mon vertige… Au fond, la Nesque, qu’il faut franchir à gué.
Après un petit bain de pieds, nous voilà face à la falaise qu’il faut remonter jusqu’à la route. D’entrée, plus de sentiers, des rochers à escalader, le vide à proximité de tes pieds, je fais pas le fier mais suis concentré sur mes gestes, puis on retrouve un petit sentier à flancs de falaise, puis de nouveaux rochers à escalader à « 4 pattes », puis nouveau sentier qui crapahute jusqu’à la route. A cet instant ce sera une délivrance pour moi à cause de ma peur du vide.
La route traversée, nous prenons la direction de Monnieux  par un sentier qui ne fait que monter. En fait Monnieux, nous le verrons qu’en surplomb. La direction de Chalet Reynard est prise. Les sensations à ce moment ne sont pas terribles, il fait chaud + la température corporelle due à l’effort est élevée, j’essaie de bien m’hydrater, mais c’est pas terrible. Encore pas utilisés, je décide de prendre mes bâtons de trail pour m’aider, en fait je ne les lâcherais pas jusqu’à l’arrivée. Malgré cette aide je ne suis pas top.
Au ravito du km37 j’essaie de bien manger et boire. Le Ventoux est devant mes yeux mais je ne vois pas le sommet couvert par les nuages. Je repars à découvert direction Chalet Reynard, prochain ravito et point de contrôle ou mon sac de rechange sera présent. Mais voilà, au fil des km les sensations ne s’améliorent pas et mon moral s’effondre, je ne sais pas où j’en suis au niveau timing. Je commence à penser à l’abandon, j’ai mal aux jambes, les quadris sont douloureux, bref plutôt pessimiste le bonhomme ! Par expérience je sais que sur l’ultra, expérience en vélo, nous traversons des passages de baisse de régime qu’il faut surmonter mentalement. Mais là je n’ai pas fait la moitié et la tête me lâche… Je poursuis quand même en me disant que si je suis au-delà du portail horaire du Chalet Reynard, j’arrêterai.
En fait j’y parviendrai avec 1H30 d’avance. Je me reprends moralement, je ne suis pas venu pour abandonner, tous les gens et amis qui m’ont encouragé, je décide de prendre le temps de me refaire la cerise en m’asseyant prenant le temps de bien m’alimenter, prendre 2 cafés qui sont les bienvenus, refaire mon sac,… Cette pause salvatrice de 30’ va me permettre de repartir avec un meilleur mental. D’entrée de jeu, le moral a repris le dessus et je grimpe à travers ce désert de caillasse en plein vent avec une température bien plus basse nécessitant de se protéger du froid, mais l’effort de la montée sur un bon rythme suffira à me réchauffer. Petit à petit je récupère des concurrents.
Pensant emprunter le chemin de crête, nous voilà partis sur un chemin dans les pierriers plongeant sur le versant nord. Le sentier de pierres descend sur plusieurs km et je me dis qu’il va falloir remonter tout çà pour rejoindre le sommet, mais les cannes ont l’air de bien répondre et le moral est revenu, plus question d’abandonner, la mi parcours sera franchie peu avant le sommet et les 2/3 de D+ seront faits.
En attendant je continue à descendre dans ces ravins de pierres, aucune stabilité sous les pieds, je pense à mes chevilles, à ma récente entorse, surtout pas le droit à l’erreur, grosse vigilance. Au cours de virage dans les combes de la montagne nous passons sur des rochers avec un vide dessous, pas fier le garçon… heureusement qu’il n’y a pas de neige. Par contre le site est d’une grande beauté, la vue à couper le souffle avec toutes les Baronnies Provençales en face de toi et en surplomb de la Vallée du Toulourenc…Royal !
Mais voilà, à force de descendre, faut qu’à un moment on remonte pour franchir le sommet.  Me voilà face aux premiers mètres d’une longue grimpée tout en lacets, première partie en fôret et seconde partie dans les pierriers. Dès le bas je prends un rythme un peu soutenu que je peux garder longtemps. L’aide des bâtons me sera importante, ils me soulage le dos et les cannes. Petit à petit je récupère tous les concurrents qui m’ont doublé dans la descente, certains m’encouragent et s’étonnent de ma cadence, çà me booste.
J’arrive au sommet dans le brouillard, la température est de -4°, je suis trempé de sueur due à la montée, je remonte la FAG de ma veste Gabba récupère quelques fruits secs et bien sur des mangues  séchées que j’adore. Le temps d’une ou deux photos et me voilà replongeant vers la chapelle Ste Croix en dessous du sommet côté sud, à travers ce champ de pierres. Le km 60 va arrivé, la moitié est passée, encore 52 bornes
Mon enfer commence. Devant moi 17 km de descente dans les pierres  pour rejoindre le prochain portail horaire et ravito au Groseau au pied du Ventoux à proximité de Malaucène. Le Groseau que je connais bien pour être l’endroit où je me pose lorsque je viens courir dans la région.
Cette descente me sera interminable avec aucune stabilité sous les pieds, impossible de prendre un quelconque rythme, juste s’assurer de ne pas se tordre les chevilles. Après avoir laissé les nuages et brouillard du sommet, je peux malgré tout jeter un œil sur la magnifique vue du versant sud.
Quelques concurrents vont me reprendre dans cette descente et je ne comprends pas comment ils arrivent à courir dans ce pierrier géant. Ils ont la technique, faut croire, en tout cas moi je suis arrêté et galère comme un malade, c’est un supplice pour les pieds qui tapent contre les pierres.
Toute l’avance prise dans la montée du Ventoux est perdue dans cette descente de m…. !
Arrivée au Groseau on m’indique 1 H d’avance sur l’horaire d’élimination. Je suis vanné par cette descente. Il me reste encore 27 bornes, il est 19H00, 75 bornes au compteur, çà fait 14H qu’on serpente les sentiers des Gorges de la Nesque et du Ventoux…
Je repars seul, direction les Dentelles de Montmirail par le Col de la Chaine. De Malaucène au Col de la Chaine 3km mais pour un trail par les sentiers on escalade, on plonge, on remonte…pourquoi faire simple quand on peut se compliquer la vie !
Je découvre au bout de 2km une petite carrière naturel d’ocres magnifique que je ne connaissais pas. Tout doucement le jour s’en va pour laisser place à la nuit. Depuis longtemps je reprends plaisir à poser mes pieds sur un sol meuble. Ce sera une succession de talus et de descentes dans la fôret.
La luminosité baisse, et sur les crêtes des montagnes des Dentelles de Montmirail je profite d’un joli couché de soleil. Mais la galère va vite revenir, le sentier redevient très rocailleux obligeant de prendre appui sur les rochers, la dangerosité aussi avec des passages en bords de falaise où l’attention est redoublée, surtout la nuit tombante. 21H30 après avoir économisé au maximum la batterie de ma frontale, il est venu le temps de l’allumer, n’y voyant plus suffisamment.
Ayant rattrapé un groupe de huit concurrents, je décide de rester un moment avec eux, ayant suffisamment crapahuté en solo tout au long de la journée. S’en suis une succession de mono traces tout en pierres et racines dans la fôret, où tu n’avances pas devant redoubler d’attention. Mais voilà au bout de quelques kms l’allure ne me convenait pas notamment sur les parties montantes et je décidais de partir tout seul.
Pas très judicieux, car en groupe tu peux te laisser guider, en solo tu dois faire attention à toutes les balises… et là je vais me perdre à 2 reprises, m’engageant sur des chemins hors parcours. Heureusement je m’en suis rendu compte assez rapidement 300 à 400m à chaque fois. Après avoir retrouvé mes balises, je poursuis en solo.
Comme si ce n’était pas assez difficile, la batterie de ma frontale se mit à clignoter indiquant qu’elle était bientôt vide. J’étais encore à 12km de l’arrivée. Dans la forêt au détour d’un virage j’aperçois un groupe de signaleurs, je leur demande s’ils pouvaient me prêter un frontale, mais ils en avaient besoin…Ils m’indiquent tout de même qu’une concurrente est 30’’ à 1’ devant moi… il ya urgence, je ne me vois plus abandonner si près du but.
Je fonce sur le sentier et au bout de quelques minutes, j’aperçois une loupiote, puis 2 puis 3. Mes sauveurs ! Ma petite étoile veille sur moi aujourd’hui encore !
Je prends leur tempo, leur explique mon problème et m’intercale entre eux et prend leurs talons de celui qui ouvre le sentier pour voir le sol.
Mais voilà les pierres refont leur apparitions, les rochers aussi, j’en ai plein le dos de ces passages de m…. ! mais je ne dois pas me plaindre j’ai la chance d’avoir trouvé mes acolytes du moment. Nous poursuivrons ensemble, en crapahutant, escaladant, plongeant au travers des sentiers pierreux à souhait, des rochers à franchir, en faisant confiance au gars devant moi qui m’indiquait les pierres et obstacles à franchir. Je n’avais pas le choix en espérant ne pas me casser la gueule.
Ces 11 derniers km en leur compagnie, seront une lutte perpétuelle contre le chronomètre pour rentrer dans les temps, calculant sans cesse notre avancée avec le temps imparti. Cà devrait se jouer à pas grand-chose…
Et effectivement, au bas de la descente, à l’entrée de Gigondas, nous franchirons le porche d’arrivée avec 16’ d’avance sur l’horaire d’élimination qui était de 21H.
20H44’ d’effort (20H47’ à nos montres) pour 102,3 km,  5150mD+ et 5240mD-   classé 193è, 207 finishers. Mon seul objectif : Finisher ! un marcheur au milieu des trailers.
Les pieds en vrac, pleins d’ampoules, un petit doigt de pied en piteux état, tous les muscles des jambes endoloris, je suis complètement cuit mais heureux d’être allé au bout de ce défi.
Il va me falloir quelques jours pour remettre mon corps en état…

Bien joué !!!
J'étais certain que tu finirais .
Bonne récup et encore bravo

Encore un beau CR dans lequel on a l'impression d'y etre..... mais qui donne envie de ne jamais y aller
Pour récupérer, je te propose le tour du Pilat mercredi, 200 bornes et 4800 de D+ ......sur deux roues
Ça va te paraitre facile et tu ne sera pas obligé de finir à  la  frontale

Le crédit à été plus long a écrire que te faire le trail. Bravo à toi et bonne recup

tu l as fait mon champion
recupere bien.....super

Mille Bravos quelle force de caractère....bonne récupération.

quel beau CR serge, en le lisant j'avais l'impression d'être à tes cotés mais sans la fatigue . bon repos guerrier et encore bravo!!!

Bravo, quelle perf et ...quel talent de narrateur.
Tu es un vrai champion

Après 15 jours de vacances en Andalousie, je m aperçois que j ai loupé pas mal d infos!
Beau CR et bravo pour ton courage...

Reste l UTMB et la Diagonale des Fous 

Sinon, à Bourdeaux, tu pouvais monter les 3 Becs ou la montagne d Angele....

Franchement bravo!, tu as un mental d'acier